Etude du bénéfice environnemental d'une potentielle autorisation 44T transfrontalier
Dans le cadre de la révision en cours de la Directive européenne sur les poids et dimensions des véhicules routiers, la Commission européenne propose notamment que les poids lourds puissent circuler à 44T en transfrontalier entre deux Etats membres le permettant chacun sur son territoire, jusqu’en 2035. Au-delà de cette date, seuls les camions « zéro émissions » (électriques ou à hydrogène) garderaient cette possibilité.
Cette thématique étant une des priorités des membres de la Commission Route de l’AUTF, une enquête a été lancée pour évaluer les bénéfices d’une telle mesure, qui s’appliquerait concrètement aux flux entre la France et le BENELUX, l’Italie, voire l’Espagne (qui projette également d’autoriser le 44T pour ses transports nationaux).
Entre le 26 juin et le 7 Juillet 2023, environ 50 entreprises, de secteurs d’activité variés, adhérents directs de l’AUTF ou membres de fédérations adhérentes ont répondu au questionnaire.
Les réponses permettent d’évaluer l’ampleur de leurs flux qui totaliseraient annuellement plus de 140 000 envois en camions complets vers/depuis le Benelux et l’Italie et plus de 56 000 envois vers/depuis l’Espagne.
Ainsi pour transporter la même quantité de marchandise, ces chargeurs réaliseraient environ 19000 (13,8%) envois en moins pour les flux Benelux et Italie et 7700 envois en moins pour les flux Espagne, chaque année. Ce sont donc environ 100 camions en moins qui circuleraient chaque jour du fait de l’activité cumulée des répondants à l’enquête.
Un fort engagement RSE, dont le report modal est une composante
Les entreprises répondantes prennent en compte le transport dans leurs engagements RSE à près de 70% et plus de la moitié on formalisé cet engagement dans un outil (FRET21 pour 35% d’entre elles).
Un peu moins de 20% des répondants utilisent sur ces axes des camions roulant aux biocarburants. Cette part pourrait monter à 80% si cela était imposé dans le cadre du 44T transfrontalier.
Il ressort également qu’une obligation de verdissement des motorisations dans ce cadre serait à concevoir en fonction de la disponibilité de solutions « vertes » adaptées aux besoins et dans le cadre d’une démarche concertée avec des transporteurs force de proposition.
Ainsi la proposition de la Commission européenne de conditionner la possibilité de circuler à 44T en transfrontalier à l’utilisation de véhicules zéro émission dès 2035 semble ambitieuse. L’offre de véhicules électriques ou à hydrogène à cette date sera probablement encore loin d’être suffisante.
Les chargeurs qui se sont exprimés ont déjà largement recours au report modal (19% de part modale en moyenne). Pourtant sur les flux transfrontaliers qu’ils souhaiteraient transporter à 44T, le report modal n’est pas une option. 57% déplorent une offre insuffisante (lignes de transport rail-route transversales, manque d’offre de transporteurs routiers sur certains segments comme le vrac, ou axes géographiques) et 47% l’absence d’infrastructure (voie d’eau, rail, installation terminales embranchées ou terminaux de combiné).
Près de la moitié doivent composer avec des volumes irréguliers (faible préavis de la demande client) qui rendent leurs flux non massifiables ; pour 30% d’entre eux ce sont des raisons internes (espaces de stockage, capacités de réception/expédition insuffisants etc.) qui les en empêchent. 41% des réponses signalent des distances trop courtes pour envisager un report modal. Enfin la question d’un déficit de compétitivité ressort dans 43% des cas. Si 20% des chargeurs de l’enquête n’entrevoient aucune autre solution que la route même à long terme, 70% se montrent plutôt confiants sur le développement de nouvelles solutions de report modal d’ici 10 ans.
Ainsi à court terme, sur ces flux l’augmentation du poids maximum à 44T ne serait pas une entrave au report modal. Cette mesure permettrait d’optimiser le transport routier au plan environnemental, et socio-économique le temps que les alternatives soient disponibles.
La proposition de nouvelle Directive de la Commission européenne est ouverte à consultation jusqu’au 20 novembre 2023. Le texte devra ensuite être adopté par le Parlement puis le Conseil Européens, avant de donner lieu à transposition dans les Etats Membres. Ainsi, ces nouvelles dispositions seraient au mieux applicables à partir de 2025.