Depuis fin 2019, les chargeurs français ont cumulé les situations de crise en matière de transport maritime : au niveau national, grèves portuaires et ferroviaires de décembre 2019 et janvier 2020, au niveau international, difficultés cycliques liées au Nouvel-an chinois puis conséquences de la crise Covid-19 et de la désorganisation totale des flux au niveau mondial.
Si chaque secteur économique a pris des dispositions pour limiter l’impact de cette crise, les compagnies maritimes ont maintenu beaucoup trop longtemps les mesures décidées au printemps 2020 : réduction de leur capacité avec retrait de nombreux porte-conteneurs, pratique intensive de blank-sailing[1], dont les ports français ont été particulièrement victimes, dégradation de la qualité de service, taux de fret extrêmement hauts.
Les choix d’organisation des compagnies maritimes cumulés à la forte augmentation de la consommation aux Etats-Unis ont généré un report massif du transport maritime conteneurisé sur l’axe Asie / Etats-Unis, délaissant de ce fait les routes vers l’Europe et y provoquant une pénurie de conteneurs.
Si les compagnies maritimes n’ont pas été les seules à générer la situation actuelle, elles en profitent financièrement et ont ainsi fait le choix de la prolonger. Il nous semble donc essentiel de souligner le rôle des compagnies maritimes dans le manque de conteneurs vides en Europe, dans le maintien d’une flotte insuffisante et dans la continuité de ce déséquilibre.
Dans ce marché totalement désorganisé, les services ne sont pas à la hauteur de la demande des importateurs et exportateurs notamment français et européens.
Outre la flambée des prix et les services dégradés, les compagnies ont imposé aux chargeurs de nombreuses surcharges. Elles ont enfin dénoncé certains accords relatifs aux franchises de détention et de surestaries, et pratiqué du surbooking (taux de remplissage des navires avoisinant les 110%) qui leur a permis de refuser le chargement de certaines marchandises qu’elles jugeaient moins rentables.
Les compagnies maritimes ne respectent plus depuis des mois les engagements souscrits auprès de leurs clients, ces agissements ont un impact direct sur l’activité économique française et européenne.
Sur le marché spot, privilégié par les compagnies maritimes par rapport au marché contractuel, au niveau des importations, une augmentation des taux de fret allant jusqu’à 3 fois le taux de fret initial a été constatée, conséquence directe de cette pénurie orchestrée, réduisant techniquement l’offre. Cette situation est préoccupante pour les chargeurs.
Au niveau des exportations, les chargeurs ont de grosses difficultés à expédier leurs marchandises et perdent des parts de marché. Afin de limiter les risques et sécuriser les expéditions, les bookings doivent désormais être passés dans des délais de 50 jours en moyenne à l’avance, contre 10 jours auparavant. Dans ce cas figure, l’impact financier et commercial est considérable.
Afin de rétablir la confiance envers les compagnies maritimes, les chargeurs appellent à un retour à la base du transport maritime : notion de service – prévisibilité – régularité.
Etant rappelé que la Commission européenne a maintenu le texte sur les consortiums maritimes (BER[2]) pour 4 ans en contrepartie d’engagement des compagnies maritimes à assurer un niveau de service élevé, ce qui n’est manifestement pas le cas aujourd’hui et depuis de nombreux mois, l’AUTF s’interroge sur la valeur ajoutée que ces consortiums étaient censés apporter aux chargeurs, principalement en cette période compliquée.
A très court terme et pour 2021, les chargeurs attendent des réponses et des actes de la part des compagnies maritimes qui bénéficient d’un contexte très favorable quant à leurs résultats financiers et au marché du carburant.
Les chargeurs seront ainsi très attentifs au positionnement des compagnies maritimes sur la fixation des taux de fret pour 2021.
Enfin, l’AUTF se joint à l’appel de European Shippers’ Council qui interpellera la Commission européenne sur la nécessité de mieux encadrer et réguler le marché du transport maritime de conteneurs dans un futur proche et de mener en 2021, une investigation sur les agissements des acteurs concernés.
[1]annulation d’escales
[2] The European Commission has prolonged for another four years the regulation outlining the conditions under which liner shipping consortia can provide joint services without infringing EU antitrust rules that prohibit anticompetitive agreements between companies. This regulation known as the “Consortia Block Exemption Regulation” is therefore extended until 25 April 2024. More specifically, liner shipping consortia are agreements between shipping companies to operate joint liner shipping services and engage in certain types of operational cooperation leading to economies of scale and a better utilisation of the space on vessels. (…)