Le Gouvernement a annoncé sa volonté d'établir une stratégie nationale fluviale en décembre dernier. Si les chargeurs doivent transformer leurs approches pour inclure le transport fluvial comme maillon de leur supply chain et être accompagnés pour cela, pour l’AUTF, seul un véritable choc d’offre, dans le cadre d’une vision à horizon 50 ans de l’Etat permettra à une stratégie ambitieuse d’être couronnée de succès.
Depuis le lancement des travaux mi-février, l’AUTF a adressé des contributions écrites dans la perspective de la tenue de cinq ateliers en mai sur le grand et petit gabarit, la question du foncier, la logistique urbaine, les marchés cibles et globalement les impératifs de compétitivité écologique et économique du secteur. Avec la contribution de membres actifs de la commission voie d’eau, chargeurs historiques du transport fluvial (céréales, matériaux de construction, chimie) ou représentatifs de secteurs émergents en développement (conteneurs, logistique urbaine), l’AUTF a consolidé sa position. C’est une nouvelle occasion pour les chargeurs de sensibiliser les pouvoirs publics et les collectivités sur leurs besoins spécifiques en matière de transport et logistique en général, et de transport fluvial en particulier. En voici les grandes lignes.
En préambule, rappelons que ces réflexions doivent être articulées dans le cadre d’une approche systémique chère à l’AUTF, conciliant les enjeux sociaux, environnementaux et économiques des territoires pour le transport de marchandises autant que pour le transport de voyageurs, en tirant le meilleur parti de la complémentarité des modes. Enfin, une ambition forte de report modal vers le fluvial dans le contexte de changement climatique doit s’inscrire dans la problématique globale de la gestion de l’eau.
En matière de report modal, l’offre précède la demande : les meilleures intentions des chargeurs, fussent-elles motivées par la stratégie RSE de l’entreprise ou subventionnées au démarrage, ne pourront se concrétiser sur le long terme qu’en présence de services de transport fluvial performants (sur les plans écologique, économique et logistique) adossés à une infrastructure adaptée et fiable.
Ce choc d’offre ne pourra avoir lieu qu’avec la réalisation d’un ensemble de conditions interdépendantes, qui doivent toutes être réunies, parmi lesquelles :
- une stratégie long terme (horizon 50 ans) de l’Etat pour des voies navigables interconnectées et bordées de foncier réservé pour les activités industrielles et logistiques (espaces de stockages y compris en ville, plateformes multimodales permettant d’optimiser services et coûts de rupture de charge)
- la disponibilité de matériel adapté à la transition énergétique,
- la disponibilité de personnel,
- les initiatives d’entrepreneurs portant la dynamisation et modernisation (notamment digitale) du secteur.
Le renouveau du fluvial passera par sa mise en synergie avec d’autres secteurs d’activité qui répondent aux besoins de mutation de notre société et de notre économie et qui disposent au départ de la taille critique, de la visibilité requise et des ruptures technologiques nécessaires, comme les « Giga Factories » de batteries – à Dunkerque et dans les Hauts de France ou la filière Hydrogène sur les principaux ports maritimes et centres pétrochimiques.
Plus spécifiquement, sur le volet de l’offre, l’AUTF préconise également d’inciter les commissionnaires de transport mais aussi les compagnies maritimes en carrier haulage à inclure un maillon fluvial plus systématiquement dans leur prestation. Cette orientation pourrait s’appuyer sur une révision de la gouvernance portuaire, qui donnerait mission aux ports maritimes d’organiser la desserte de leur hinterland en modes massifiés, en particulier fluvial, ainsi que – pourquoi pas ? - une liaison à grand gabarit entre le couloir rhodanien et l’Ile de France.
Le rôle de prescripteur des chargeurs, qui peuvent inclure une demande de transport fluvial dans leurs appels d’offres n’est pas à négliger. Ce peut être le cas de secteurs cibles comme les industries de produits de grande consommation, le secteur des déchets, des colis lourds… Pour les accompagner dans ce changement, des mesures de sensibilisation (programme Remove) sont indispensables et doivent s’adresser aux décideurs ; des aides financières doivent être pérennisées, développées, fléchées chargeurs et simplifiées (Plan d’Aide au Report Modal de VNF, aides à la pince, autres outils CEE à développer) ; des aides techniques (outils de mutualisation permettant de limiter les trajets à vide, analyses SWOT de différents scénarios logistiques…). Ces dispositifs, sont nécessaires mais néanmoins pas suffisants, comme déjà mentionné, pour une vraie politique ambitieuse de développement du fret fluvial : l’existence d’une infrastructure et d’une offre adaptée est un prérequis pour que ces démarches soient couronnées de succès.